jeudi 14 février 2013

Caraïbes City

"Je voulais savoir si on pouvait prévoir, comme aux Caraïbes, un moment pour prier avant la classe et un autre après la classe... Je sais bien qu'on a tous des religions différentes... Mais un moment de silence, pour les élèves qui veulent prier." Hochements de têtes, murmures approbatoires, applaudissements dans l'amphithéâtre du collège Walt Whitman, district scolaire 17 de New York, quartier de Flatbush, Brooklyn.

Le principal, l'élégant Mr. Warrington, remet les choses en perspective. Avec clarté et fermeté, il rappelle à la mère d'élève que les collègiens prononcent déjà chaque matin le serment d'allégeance au drapeau américain mais que, si ce texte fait référence à Dieu, la Constitution américaine est régie par le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat. 

Il vient de faire un speech devant les familles, réunies ce soir par l'association des parents d'élèves, une quarantaine de personnes, majoritairement jamaïcaines, dominicaines, haïtiennes, et africaines-américaines - comme presque tous les profs et personnels administratifs. 
Un speech vibrant, comme il se doit, vantant les mérites de son établissement "au programme exigeant", rappelant qu'il y est prévu toutes sortes de soutiens aux collégiens et qu'il n'y a donc aucune raison d'échouer les tests et examens prévus dans quelques semaines. 

Comme souvent, la réalité ne colle pas tout à fait au discours. Noé, qui est scolarisé ici, ne bénéficie plus depuis quelques semaines de ces heures d'aide évoquées par le directeur sans que l'on sache bien pourquoi et sans que nous n'ayions été prévenus. Je doute qu'il ait déjà le niveau d'anglais et de connaissances culturelles américaines pour s'en passer. Quant au soutien en anglais, spécifique aux élèves dont ce n'est pas la langue natale, il a bien lieu, mais à la place d'un cours de math ou d'histoire.

Le principal évoque les deux salles flambant neuves, le labo de sciences et la salle d'ordinateurs. Façon showbiz, il fait entrer le politicien du coin qui a apporté les fonds pour les construire. Discours. Applaudissements nourris. 

Une mère en profite pour lui demander davantage de policiers pour surveiller les rues aux heures de sortie du collège. Une autre souhaite un enseignement de la culture caribéenne. Une autre encore témoigne de sa gratitude à l'équipe éducative qui a permis à son fiston d'obtenir à peu près la moyenne. 
Une dernière s'interroge: pourquoi son neveu n'a-t-il jamais de devoirs à la maison? Huées, moqueries, "ce n'est pas vrai", "il doit vous mentir". Je n'ose rien dire, mais Noé revient avec très peu de homework lui aussi, et on a bien vérifié, cherché partout, il n'en a vraiment pas.

La chargée de relation avec les parents prend la parole en créole. C'est la seule langue vraiment comprise par beaucoup de familles, ici. L'instant est grave: elle rappelle les dates de remise du diplôme pour les 3e (8th grade), du voyage et du bal qui vont avec. Et surtout, qu'il y aura une tombola et que l'ensemble reviendra à 120$, juste pour la cérémonie du diplôme, avec toge et chapeau carré.

On se quitte sur un tirage au sort, les lots sont des boîtes de chocolat. C'est chaleureux, vivant, démonstratif. C'est un morceau des Caraïbes. C'est à New York, en 2013.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire