dimanche 18 novembre 2012

J'ai pris le MoMA pour un vide-grenier

Pas mal, le manteau de fourrure. Un coup d'oeil sur les boules à neige, un autre sur le babyfoot de salon, je calcule à combien négocier la commode d'à côté. Les chemises hawaïennes? Hum... Le présentoir en forme de garde de Londres? Peut-être pas...

De vieux canapés, des bibelots usés. Au milieu, des vidéos de vide-greniers de 1973.


Devant le mur de vêtements "vintage", une Mercedes de 1981,
 turbo diesel, 4000$... sans moteur.

L'espace d'une minute, j'ai vraiment cru me trouver dans un vide-grenier. Un vrai, avec affaires à faire et déchets survendus.
 Sauf que la scène se déroulait dans le très coté Musée d'art moderne (MoMA) de New York. Et que j'étais, en vrai, au milieu d'une exposition. 
 Une expo pas banale, c'est certain, à l'esthétique assez peu habituelle, très éloignée de l'art sacralisé.
"Meta-Monumental Garage Sale", de l'artiste Martha Rosler, a ouvert samedi au public. 
  http://www.moma.org/visit/calendar/exhibitions/1279

Martha Rosler explore depuis des années un phénomène bien d'ici, un morceau de sociologie américaine: le "garage sale", le vide grenier, comme on dit en France. La "vente de garage" a ses variantes, comme la "vente de jardin" ("yard sale").
L'artiste, qui a grandi à Brooklyn (biographie sur http://www.newmedia-art.org/cgi-bin/show-art.asp?LG=FRA&DOC=IDEN&ID=9000000000080591), a expliqué que cet affichage de la sphère intime aurait cependant été impensable, à l'époque, à New York. Elle a découvert le "garage sale" en déménageant en Californie.


Le principe: se débarrasser des ses vieux rossignols en les vendant à d'autres. La maîtresse de maison (c'est souvent elle) dispose vêtements, bibelots, tapis, jeux d'enfants sur des tables dans son sous-sol et l'ouvre aux acheteurs. 

"La femme au foyer qui ainsi l'espace privé pour l'espace semi-privé du garage où elle montre qu'elle sait négocier les prix, attirer l'attention des acheteurs", explique l'artiste. "J'ai découvert ce genre de vente en 1973, l'année de la crise pétrolière. C'était un moyen, pour les ménages, de rester à flot financièrement."

Chevaux en fonte.

Le "garage sale" sert aussi à s'alléger des biens d'un proche disparu. Pas tabou pour un rond dans notre civilisation, assure Martha Rosler. Une conversation surprise à la cafèt du musée, juste après la conférence de presse, m'a cependant fait douter: une vieille dame très digne s'offusquait bruyamment de ce "japanese guy" qu'elle a vu, l'autre jour, vendre "toutes les affaires de sa mère décédée, dans la rue, comme ça, il ne gardait rien!"

Comme l'a aussi dit l'artiste: "Les objets sont la trame de ce monde. Depuis tout petit, on apprend à s'attacher à ce qui nous entoure. Un "garage sale", c'est plein d'objets du désir."


Martha Rosler, avec son appareil Canon, devant la Mercedes 500.



Vendredi midi, une conférence de presse de présentation se déroulait devant une Mercedes 500 sans moteur, un intense "objet du désir" pour Rosler, puisqu'elle a imposé la présence de la voiture dans l'expo au Musée d'art moderne. 








L'ambiance m'a rappellé celle des conférences de presse en France. Même genre de questions, même excentricité parfois, même air légèrement dubitatif ou complice.


L'assemblée des journalistes pendant la conférence de presse.

Avant de commencer, avec son appareil photo Canon, l'artiste ethnologue a photographié le groupe de journalistes devant elle. À la fin, un attroupement se forme à l'autre bout de l'expo. Martha est en train d'examiner une paire de lunettes rouges en forme de coeur qu'une journaliste souhaite acheter. Elle paie à un assistant qui tient la caisse enregistreuse. 



Parce que dans cette expo, tout est à vendre.






2 commentaires:

  1. Merci beaucoup pour cette visite virtuelle et très particulière. Et toi, as-tu acheté quelque chose ?
    Bisous
    AF

    RépondreSupprimer